Les experts évaluent le risque d'extinction pour les mérous du monde
L'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN) est la plus grande et la plus ancienne union de conservation du monde; elle est composée de gouvernements nationaux et d'ONG. L’UICN est bien connue probablement par les Liste Rouges qu’elle publie régulièrement et qui donnent l'état de conservation de milliers d'espèces de plantes et d'animaux, après une évaluation par les experts des Groupes de Spécialistes (GS), sous couvert de la Commission de Survie des Espèces.
Le Groupe de Spécialistes Mérous et Labres regroupe la plupart des experts mondiaux de ces espèces écologiquement importantes. Il s'est réuni récemment (15-22/11/2016) dans l'île de Faial, aux Açores (Portugal), pour évaluer le statut des 164 espèces de ce groupe à l’échelle mondiale. Le GEM y était représenté par Patrice Francour, membre de ce GS et membre également de la Commission Espèces de l'UICN France.
Ce n'est que la deuxième fois en dix ans que ce GS se réunit après Hong Kong où en 2007 la plupart de ces espèces ont été évaluées globalement pour la première fois. L'atelier des Açores, appuyé par le personnel de l'UICN pour la diversité biologique et par un représentant de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture), est essentiel car les réévaluations de la Liste Rouge doivent être effectuées au moins une fois tous les dix ans. En fait, c'est la première fois qu'un GS marin mène une telle réévaluation globale afin de déterminer les changements survenus sur une décennie.
La révision du statut de conservation des mérous est particulièrement importante en raison de la pression d'exploitation croissante qui pèse sur ce groupe de poissons majeurs en tant que ressources alimentaires ou sources de revenus pour le tourisme sous-marin dans de nombreux endroits à travers le monde. Peu de mérous semblent être surveillés régulièrement, peu sont gérés efficacement et beaucoup sont en déclin. En raison de leur longue durée de vie, de l’âge avancé de la première reproduction et de l’existence de fréquentes agrégations de géniteurs au moment de la reproduction, bon nombre de ces espèces sont particulièrement vulnérables à la surpêche et il est à craindre que leurs populations ne soient en déclin.
Trente-cinq experts de 13 pays se sont réunis aux Açores pour faire le point sur l'état actuel de ce groupe et identifier les espèces présentant un risque d'extinction à l'avenir, afin de favoriser la mise en place de pratiques plus durables. Les premières conclusions de cet atelier soulignent les inquiétudes grandissantes qui existent pour plusieurs espèces de mérous et, en particulier, celles fortement exploitées lors des agrégations de reproduction. Il a également été mis en exergue le besoin urgent de recueillir des données plus précises et plus fiables sur les pêcheries de mérous et de gérer beaucoup plus efficacement ces populations que ce qui est fait aujourd'hui si nous voulons qu’elles survivent demain.
L'atelier a été co-organisé par le GWSG, l’Institut de Recherche Marine (IMAR) de l'Université des Açores et le Centre de Sciences Marines et Environnementales (MARE) et a été généreusement financé par la Ocean Park Conservation Foundation (Hong Kong), le Bin Zayed Fund, l'Université de Hong Kong et le Gouvernement régional des Açores.
Qu’en est-il en Méditerranée et dans le proche Atlantique ?
En Méditerranée, le mérou brun, le mérou royal, la badèche sont les espèces les plus connues; dans le proche Atlantique, il s’agit du mérou blanc ou thiof. Importantes écologiquement comme prédateurs de haut niveau trophique, ces espèces sont aussi importantes économiquement pour la pêche (le thiof au Sénégal par exemple) ou pour l’économie liée au tourisme sous-marin (le mérou brun par exemple en Méditerranée). Le dernier atelier de la GWSG a considéré qu'au niveau mondial, le statut du mérou brun restait “en danger”, le niveau intermédiaire entre les espèces vulnérables et les espèces en danger critique d’extinction. De même, le statut global du mérou blanc a été évalué comme “presque menacé”, le niveau juste avant “vulnérable”. Toutefois, localement, le statut peut être différent, comme par exemple au Sénégal où le déclin des pêcheries de mérous blancs est spectaculaire et où l’espèce doit être considérée comme en danger. Les conclusions définitives du GWSG seront publiées courant 2017, mais en vue des prochaines réévaluations, un travail important de synthèse des connaissances, notamment en termes d’impact des pêcheries, devra être fait pour ces espèces de Méditerranée et du proche Atlantique.